vendredi 23 décembre 2016

GRAND CONCOURS DE NOEL !!!


Gagnez un exemplaire dédicacé du roman "UNE FILIATION INDESIRABLE" de Julien Dregor.
Pour participer au concours :

- aimez la page Facebook Une filiation indésirable

- Partager la publication qui annonce le concours en mode "public".

- Commentez la publication en identifiant au moins deux amis que ce roman pourrait intéresser.

Un tirage au sort aura lieu le 31 décembre 2016. Le gagnant sera prévenu en MP.

Ce concours est limité aux pays de l'Union Européenne, ainsi qu'à la Suisse.


En attendant l'échéance du concours, je vous souhaite d'excellentes fêtes de fin d'année.

mardi 13 décembre 2016

Une couverture toute en profondeur

Ça y est. La date de sortie de „Une filiation indésirable“ est imminente. Le formatage papier est terminé depuis hier (C’est pas si simple, les marges, choisir la taille et la police des caractères, …). Aujourd’hui, j'ai terminé le formatage de la couverture et j’ai tout envoyé à l’imprimeur.

Pour mon livre, j’ai choisi la maison „Le livre en papier“, spécialisée dans l’impression à la demande. J’avais bien songé utiliser „Create Space“ d’Amazon, mais vu la thématique de mon roman, je trouvais logique de recourir aux services d’une entreprise 100% belge.

Cela a d’autres avantages : des délais de livraisons plus courts, une interface en français et un interlocuteur qui répond très vite à vos questions.

Le format électronique sera malgré tout disponible sur Amazon.



Ma couverture est donc terminée : Une perspective en contre-plongée de la Montagne de Bueren.

Pourquoi ? me demanderez-vous ?

Tout d’abord parce que cette rue est caractéristique de la ville de Liège, qui sert de décor à une grande partie de l’histoire (avec Huy, Flémalle, Grâce-Hollogne, Seraing, …). D’ailleurs, la montagne de Bueren a joué un grand rôle dans la vie d’un de mes protagonistes.

Mais la symbolique ne s’arrête pas là. Un escalier implique la supériorité et l’infériorité. La supériorité que l’on pense avoir lorsque l’on possède de l’argent ou du pouvoir, voire même les deux.

Dans mon roman, comme son titre l’indique, il est question de filiation. Qu’on le veuille ou non, nous descendons tous de quelqu’un. Pour illustrer ceci, l’escalier est également un symbole caractéristique.

Comme vous le voyez, la couverture n’a pas été choisie au hasard. Elle reflète un roman à plusieurs dimensions que vous saurez, j’espère, appréciez à sa juste valeur.

Bonne lecture !

Julien.

samedi 10 décembre 2016

EN EXCLUSIVITÉ - UNE FILIATION INDÉSIRABLE : Les deux premiers chapitres.



CHAPITRE 1

(Le 11 septembre 2014)


Noir. C'était en noir qu'Henning aurait dû repeindre les murs de son nouvel appartement, un trois-pièces de soixante mètres carrés. Sa femme, experte en feng shui, lui avait toujours ressassé les oreilles avec le fait que l'appartement reflétait l'âme du ou des propriétaires. Au moins, s'il avait repeint les murs en noir au lieu de ce blanc stérile qu'il s'était cru obligé d'acheter, ça aurait vraiment reflété son état d'esprit actuel.
— Entrez, Monsieur Müller, lui avait dit quelques mois plus tôt Hans Bernstein, le chef du personnel du Frankfurter Kurier, le journal pour lequel Henning travaillait comme rédacteur depuis cinq ans. Vous n'êtes pas sans ignorer la situation critique dans laquelle notre secteur tout entier se trouve. La digitalisation du monde de l'information a provoqué un changement de comportement chez nos lecteurs qui maintenant préfèrent l'information gratuite en ligne à l'achat du format papier. C'est pourquoi nous ne pouvons plus nous permettre d'employer autant de personnel et je regrette de devoir vous annoncer que vous êtes licencié à partir du mois d’octobre.
Henning était d'abord resté sans voix, se demandant à combien de personnes ce petit con de chef avait pu répéter ce discours appris par cœur, dénué de toute empathie. Sa vision de l'avenir s'était effondrée d'un coup à ce moment-là. Comment allait-il annoncer la nouvelle à sa femme ? Il lui avait fallu trois jours pour accumuler suffisamment de courage pour le lui annoncer. Trois jours durant lesquels il avait cherché les mots adéquats et la manière de l’exprimer. Une ou deux phrases qui auraient communiqué la triste réalité, mais sans la gravité qu'il y voyait et peut-être même en y ajoutant une note d'optimisme. Cependant, le matin du troisième jour, comme il n'avait toujours rien trouvé, il s'était surpris à dire la vérité toute crue :
— Je suis viré !
Au début, Léonore ne l'avait pas si mal pris, mais après le temps de la consolation, les disputes s'étaient multipliées, et leur relation avait fini par se rompre. Malgré les dizaines de CV qu'il avait envoyés dans toute l'Allemagne, il n'avait toujours pas retrouvé d'emploi et elle ne pouvait s'empêcher de l'en culpabiliser. Il avait donc pris un appartement dans le quartier Saint-Martin de Darmstadt, une petite ville agréable située trente kilomètres au sud de Francfort. Il avait déménagé le week-end précédent, mais il n'avait pas encore vraiment emménagé. Certes, les meubles étaient plus ou moins à leur place, mais aucune des innombrables caisses n'avait encore été rangée.
Il lui restait trois semaines de vacances à prendre avant la date officielle de son licenciement. La veille avait donc été son dernier jour à la rédaction du Frankfurter Kurier. Sachant que personne ne l'attendait à la maison, il n'était pas rentré tout de suite. Au lieu de cela, il s’était précipité dans un des bars du voisinage au nom prometteur : « Carpe Diem ». Il ne savait plus combien de bières il avait bues, mais au mal de crâne qu'il ressentit au réveil, il en estima le nombre à... beaucoup trop. Décidément, cette première journée de chômage commençait du tonnerre. La première chose qui traversa son esprit embrumé fut le mot « café ». Et ce mot seul lui donna la force de se rendre dans la cuisine.
Cette petite machine à café compacte était le seul objet qu’Henning avait déjà sorti de sa caisse et installé bien en vue dans la cuisine. Après tout, il s'agissait là d'un appareil de première nécessité. Rien qu'à entendre le moulin électrique moudre les grains de café et à renifler l'arôme torréfié qui se dégageait de ce percolateur des temps modernes, il sentit la brume qui lui envahissait le cerveau se disperser et après deux ou trois gorgées du breuvage miraculeux, il distingua même l'une ou l'autre pensée logique. Il ouvrit le réfrigérateur dans le but de se préparer un bon petit déjeuner qui lui calmerait l'estomac, malheureusement, son frigo était plus vide que tous les verres de la veille dont il gardait un vague souvenir.
Il n'y avait plus qu'un seul moyen d'éliminer les milligrammes d'alcool résiduels. Il enfila une tenue de sport, activa le lecteur mp3 de son smartphone et sortit de son appartement. Après une heure de jogging intensif dans le Herrngarten, un de ces grands espaces verts situés au cœur de la ville, il ne subsistait de la gueule de bois d’Henning qu'un léger picotement situé derrière son sourcil droit. Il avait toujours considéré le sport comme un remède à tous les maux. Bien sûr, sa condition s'était amoindrie. Il faisait moins de musculation, il buvait plus d'alcool qu'auparavant et il avait recommencé à fumer. Mais même s'il s'était légèrement empâté au cours des derniers mois, il restait un colosse musclé capable de courir une heure sans s'arrêter.
De retour dans son appartement, il prit soudain conscience de l'ennui que représentait la vie telle qu'elle s'offrait à lui. Il était seul. Il résista à l'envie de se vautrer devant la télévision et, déterminé à rendre cette journée un tant soit peu constructive, il entreprit de se consacrer entièrement au rangement des caisses pleines qui jonchaient l’appartement. Au fur et à mesure que les caisses disparaissaient et que les étagères se remplissaient, il sentait que sa vie s’améliorait. Malheureusement, ce sentiment de bien-être s'estompa rapidement. Lorsqu'il ne resta plus que trois lourdes caisses pleines d'albums photo, il s'assit sur le sol et commença à feuilleter les lourds volumes. Henning fut très vite rattrapé par la nostalgie. L'un après l'autre, il revisita les chapitres achevés de sa vie, bien conscient qu'un nouveau commençait aujourd'hui. Au fur et à mesure qu'il tournait les pages de son album de mariage, il se remémorait à quel point il avait été heureux ce jour-là. Léonore resplendissait. Henning s'en souvenait comme si cela s'était passé la veille, alors qu'en fait, dix-huit ans s'étaient écoulés depuis ce jour. Pascal, son meilleur ami à l'époque, lui avait dit lors de son enterrement de vie de garçon qu'il faisait une erreur. Henning avait mis cette réflexion sur le compte de l'énorme quantité d'alcool qu'ils avaient consommée et l'avait purement et simplement ignorée. Pascal, quant à lui, n’avait jamais plus abordé le sujet. Il avait tort. Un mariage qui dure dix-huit ans ne peut pas être une erreur. Il le dirait à Pascal la prochaine fois qu’il en aurait l’occasion. Il devait bien admettre que le contact avec Pascal s'était considérablement étiolé ces quinze dernières années, depuis qu’il était retourné vivre en Belgique. Depuis lors, ils s'étaient contentés d'un ou deux coups de téléphone par an et cela devait bien faire cinq ans qu'ils ne s'étaient pas revus. D'un seul coup, il fut projeté vingt ans en arrière. Les années de complicité qu'il avait partagées avec son ami lui revinrent en mémoire : les fêtes estudiantines, le carnaval, les soirées-guitare, les semaines de bloque et les examens. Ils s'étaient rencontrés à l'université de Mayence au début de leurs études de journalisme et jusqu'à aujourd'hui, le contact ne s'était jamais rompu. Il ressentit soudain une envie irrésistible de reprendre contact avec son ami de jeunesse et se promit de l'appeler au plus vite.
Il rangea les derniers albums sur l'étagère et regarda autour de lui avec la fierté du travail accompli. L'appartement paraissait nickel, mais également très vide. Plus de femme, plus de travail, plus d’amis. Ses réflexions déprimantes furent interrompues par la sonnerie de son smartphone. Sur l'écran apparut un numéro commençant par l’indicatif  +32 , l’indicatif de la Belgique. Il fit glisser son pouce sur la touche virtuelle verte et amena le téléphone à son oreille. Ce que son interlocuteur lui annonça le fit pâlir. Un air d'incompréhension s'imprima sur son visage. Le seul mot qu'il fut capable de prononcer à ce moment-là fut :
— Quoi ?



CHAPITRE 2

(Le 14 septembre 2014)


Un jeune homme aux cheveux longs chantait en s'accompagnant à la guitare dans la grande salle du crématorium.

Lors, montant sur ses grands chevaux,
La mort brandit la longue faux
D'agronome
Qu'elle serrait dans son linceul
Et faucha d'un seul coup, d'un seul
Le bonhomme.

Comme il n'avait pas l'air content,
La mort lui dit : « ça fait longtemps
Que je t'aime.
Et notre hymen à tous les deux
Était prévu depuis le jour de
ton baptême ».

Ce couplet attira l'attention d'Henning et lui rappela le hit allemand Er war geboren um zu leben, qui avait eu tant de succès quelques années auparavant. Jamais Henning n'avait ressenti jusque-là une douleur aussi intense en pensant à une chanson, mais c'était également la première fois qu'il devait faire face à la mort d'une manière si personnelle. Sa grand-mère était morte quand il avait cinq ans, mais cela ne comptait pas. Les enfants percevaient la mort différemment des adultes. Peut-être fallait-il d'abord avoir vécu assez longtemps pour pleinement avoir conscience de ce que l'on perd quand quelqu'un s'en va. Et comme si être triste ne suffisait pas, un sentiment de culpabilité vint s'ajouter à la montagne d'émotions qui s'entrechoquaient déjà à l'intérieur de son âme en faisant un boucan de tous les diables. Er war geboren um zu leben. Il était né pour vivre. Croquer à pleine dent la pomme de la vie, comme ils disaient dans le cercle des poètes disparus. Combien d'occasions de rire, de discuter devant un bon verre de vin avaient-ils manquées ? La distance entre Liège et Francfort n'expliquait pas tout et au fond, ce n'était pas si loin. Que sont trois cent cinquante kilomètres à l'heure actuelle ? Il avait l'impression d'avoir appuyé sur la touche « pause » de sa télécommande, le temps de vivre une autre vie, et qu'un jour, il pourrait reprendre sa vie là où il l'avait interrompue. Malheureusement, ce ne sera plus possible maintenant qu'un cinglé avait tiré une balle dans la tête de son ami. La tristesse se transforma en une colère indescriptible qui lui brûlait les tripes. Une colère envers la terre entière, mais surtout dirigée contre lui-même.
Entre-temps, le guitariste avait arrêté de chanter et cédé la place au maître de cérémonie qui lisait un extrait du « Petit Prince ». Pour Henning, il s'agissait d'une cérémonie funèbre on ne peut plus inhabituelle. Il n'y avait ni prêtre ni pasteur pour diriger la cérémonie, seulement un employé du crématorium. Autre fait curieux, il ne releva aucune allusion à Dieu, aucun passage biblique servant de fil rouge à la cérémonie. Au lieu de cela, chacun pouvait dire quelques mots, lire un poème ou chanter une chanson. Il se souvint de vives discussions sur la religion qu'il avait eues avec Pascal au bar de l'université. Pascal était un athée convaincu et affirmait à qui voulait l'entendre qu'il fallait réduire l'influence des religions sur la société. Henning pensait plutôt que les religions étaient nécessaires, notamment pour confirmer le caractère chrétien de la population. Après tout, la plupart des lois actuelles sont fondées sur les dix commandements et sur les lois du christianisme. Pascal aurait répondu que les Grecs, les Romains et les Égyptiens avaient proscrit le meurtre et le vol bien avant la naissance du Christ, mais le colosse germanique n'en était pas plus convaincu pour autant. Des athées comme Pascal, il y en avait en Allemagne aussi, mais ils restaient très minoritaires. Henning avait toujours pris son ami pour un oiseau exotique, mais apparemment, ce phénomène était beaucoup plus répandu en Belgique qu'en Allemagne s'il y avait des enterrements laïques.
Après la lecture du Petit Prince, une jeune femme prit la parole :
— Je voudrais rendre hommage, au nom de l'équipe du journal Liberté nationale, à cet excellent collaborateur qu'était Pascal Blanchard. Il était non seulement un journaliste exemplaire, mais c'était aussi un ami très cher pour beaucoup d'entre nous.
À ces mots, Henning sentit sa culpabilité remonter à la surface. Étaient-ils, lui et Pascal, de très chers amis ? Certes, ils l'avaient été lorsqu'ils étaient ensemble à l'université, mais c'était il y a longtemps.
— C'était un rédacteur minutieux, prenant toujours soin de vérifier ses sources. Il menait des enquêtes dignes de Sherlock Holmes. Jamais il n'aurait écrit quelque chose dont il n'était pas sûr à cent vingt pour cent. Pascal était un vrai justicier, traquant la vérité, où qu'elle soit. Il a par exemple suivi de près le dossier du Monstre de Charleroi, l’affaire de pédophilie qui a secoué notre pays il y a quinze ans. Durant quatorze mois, il a enquêté sans relâche pour retrouver les fillettes disparues. Depuis, il n’a cessé de combattre l’injustice avec son arme de prédilection : la vérité. Il a aidé à rendre ce monde un peu plus sûr et je lui en serai à jamais reconnaissante. Il va me manquer.
Il y avait tant d'émotion dans la voix de la jeune femme qu’Henning ne douta pas une seconde de sa sincérité. Il se demanda même si leur relation n'allait pas plus loin qu'une simple amitié. Était-il possible que son ami ait eu une aventure extraconjugale ? Henning ne l'en aurait pas blâmé : cette femme qui se tenait devant lui et qui portait Pascal aux nues était très loin d'être affreuse, que du contraire. Elle devait avoir la trentaine et faisait preuve d'un charme à toute épreuve. Ses longs cheveux noirs bouclés lui tombaient sur les épaules et encadraient de manière adorable son visage rond. Juchée sur de hauts talons qui lui allongeaient les jambes, elle était presque aussi grande qu'Henning. Son petit tailleur noir était certes de circonstance, mais la manière dont ses jambes en sortaient lui donnait un air sexy qui ne paraissait pas avoir sa place dans cette ambiance sérieuse, triste et grise. Henning sentit cette image lui transpercer les pupilles et s'imprimer dans son cerveau. Il savait qu'il se souviendrait de ce moment toute sa vie.
La cérémonie se termina par une procession vers le cimetière proche du crématorium, où eut lieu la dispersion des cendres sur la pelouse cinéraire, et par la longue litanie de condoléances à la famille. C'était bien là la seule chose commune avec les célébrations religieuses allemandes auxquelles il avait assisté jusque-là. Il se rangea dans la file qui s'était formée devant la veuve. Lorsqu'il arriva devant Cathy, il se rendit compte que tout ce qu'il pensait dire sonnait creux et vide, tant toutes ces formules de circonstance étaient ressassées à chaque enterrement. Vraiment difficile d'être original dans ces cas-là. Il balbutia néanmoins avec son léger accent allemand :
 — Je suis désolé, Cathy. S'il y a quelque chose que je peux faire, n'hésite pas à m'appeler.
— Je suis contente que tu sois venu. Je sais que ça lui aurait fait très plaisir. Passe me voir demain à la maison. On pourra parler plus longtemps.
Il acquiesça avant de laisser la place aux suivants. Il s'écarta un peu pour fumer une cigarette.
— C'est une mauvaise habitude, lui lança une voix derrière lui.
Il se retourna et se retrouva face à face avec la femme aux cheveux noirs qu’ il avait déjà remarqué durant la cérémonie.
 — Je sais, mais vu les circonstances, je n'ai aucun remords à me dire que j'arrêterai un autre jour.
— Très bon argument. Vous pouvez m'en donner une ?
Henning lui tendit son paquet de cigarettes avant de se présenter pour entretenir la conversation.
— Henning. Henning Müller.
— Marie Dulac. Vous êtes allemand ?
— Coupable, répondit-il en riant.
— Vous connaissiez bien Pascal ?
Henning tira un coup sur sa cigarette avant de répondre.
— Il fut un temps où on se connaissait bien. On était ensemble à la fac, en Allemagne, mais vous savez ce que c'est, avec le temps et la distance, on se perd un peu de vue.
— Oui, c'est vrai qu'il avait fait ses études en Allemagne. À Mayence, n'est-ce pas ?
— Exact. Et vous ? D'après ce que j'ai pu comprendre, vous étiez très proches de Pascal.
— Oui, si l'on veut. Sur le plan professionnel. On travaillait ensemble depuis trois ans. Ça crée des liens. Il m'a beaucoup aidée quand j'ai commencé.
Henning remarqua qu'il avait été tellement choqué par la mort de son ami qu'il n'avait même pas encore cherché à savoir pourquoi il avait été abattu.
— Vous êtes journaliste, n'est-ce pas ?
— Oui.
— Vous savez sur quoi il travaillait ? Peut-être que ça a un rapport avec sa mort.
— Non, pas vraiment. Je l'ai vu le soir de sa mort, avant qu'il ne quitte le journal. Il a dit qu'il était sur un gros coup, mais comme je l’ai dit tout à l'heure, il ne s'exprimait jamais sur quoi que ce soit avant d'être vraiment sûr de ce qu'il avançait.
— Et la police, qu'est-ce qu'elle en dit ?
— Pas grand-chose jusqu'à présent. J'ai quelques contacts à la police locale, mais pour l'instant, nichts, rien, nada. Nous savons juste qu'il est mort d'une balle dans la tête jeudi dans la soirée, devant son domicile, en sortant de sa voiture.
— C'est Cathy qui l'a trouvé ?
— Oui, elle a entendu la voiture, mais comme il tardait à rentrer, elle est sortie et l'a trouvé allongé dans l'allée du garage.
S'en suivit un long silence, aucun des deux ne voyant rien à ajouter.

(...)

À SUIVRE ...

mercredi 7 décembre 2016

Bande annonce en ligne

Ça y est, la première bande annonce de mon roman, une filiation indésirable, est en ligne. Qu'en pensez-vous ?


lundi 28 novembre 2016

Un mur se dresse sur la frontière




Un mur se dresse sur la frontière
Pour empêcher les illégaux
De venir saccager nos terres
Et cracher sur nos idéaux
Ils ne prendront plus nos boulots
Et nous laisseront notre chrétienté
Trump a viré les latinos
Et Marine vise les réfugiés.

Je les vois déjà, tous ces crétins
Qui hier s'en sont allé voter
Pour le grand rêve américain
Et qui demain iront bosser.
Ils iront ramasser la merde
De leurs grosses vaches industrielles
Et qu'ils boufferont la gueule ouverte
Juste avant de faire la vaisselle.

Tous ces boulots que hier encore,
Ils ignoraient comme du purin
Ils les prendront à  bras le corps
En regrettant les clandestins
Il verront enfin le calvaire
De tous ces pauvres diables qui
Traversaient chaque jour la frontière
Dans l' but de nourrir leur famille.

Que va devenir cette pauvre mère
Qui venait toujours clandestine
Pour un salaire de misère
Mettre la main à leurs usines.
Que va devenir ce pauvre syrien
Face au refus des lepénistes
De se comporter en être humain
A cause de quelques terroristes.

Un mur se dresse sur la frontière,
C'est drôle, j'ai comme un déjà vu
Des miradors, des hommes en vert
Et des fugitifs abattus.
Pourquoi insistons nous pour voir
Se répéter toutes les horreurs
Toutes les heures sombres de notre histoire
A la gloire de nos dictateurs

Un mur dans mon imaginaire
Derrière lequel je les bannis
Tous ces zigotos sanguinaires
Le père, la fille, le saint esprit.
Repliez vous donc sur vous-même
Avec vos curés et vos francs,
Avec vos nazis, votre haine,
Vos fromages et votre vin blanc.

Repliez vous donc sur vous-même
Avec vos corans et vos bibles
Votre radicalisme extrême
Et arrêtez de prendre comme cible
Ce monde d'amour que je chéri
Et qui sent bon la liberté,
Où je peux clamer mon avis
Et boire une bière dans un café

À ma table, tout le monde peut s'asseoir
On s'y échange nos poésies,
Et on s'y raconte des histoires
On se partage mes spaghettis
Javi nous apporte du maté
Et Rachid fait des falafels
Binian joue du Ukulélé
Et Lin Su danse avec Marcel

Et si l'bon Dieu est avec vous
Laissez le bien à l'intérieur
Qu'il guide vos pas et vos pantoufles
Et qu'il vous réchauffe le cœur,
Car malgré ses bonnes intentions
Dès qu'il prend la parole, c'est la
Discorde et la zizanie qu'on
Retiendra et qui restera.

Et quand les hommes vivront d'amour
Il n'y aura plus de frontières
Plus d'illégaux, plus de vautours,
Mais c'est pas d'main la veille, mon frère.
En attendant, je suis trouvère
Et je remets mes mots au vent.
Qu'ils aillent  colporter ma colère
Par delà les cinq continents.


 Un texte tout nouveau, en attente de trouver une musique adéquate, mais que je vous livre déjà dès aujourd'hui. N'hésitez pas à le partager si vous êtes d'accord avec moi. 

mercredi 23 novembre 2016

Culo

Depuis les montagnes de Salta
Jusqu'à la ville d'Ushuaia,
Quand le paradis existait,
C'est sûr là-bas qu'il se trouvait.
Quand je pense qu'il y a à peine cent ans,
C'était une vraie mine de diamants,
La chance a fini par tourner,
Comme d'hab, les hommes ont tout gâché.

Refrain:
Culo suerte, suerte culo
Era el juego del Gaucho.
Yo aposto a la suerte
Para un futuro màs fuerte.

Che Guevara se retournerait
Dedans sa tombe s'il voyait
La pauvreté et la misère
Qui bouffe la ville de Buenos Aires,
Alors que les hauts dirigeants
Se refont des couilles en argents
En prélevant sur les impôts
La plus grande part du gâteau.

Refrain:
Culo suerte, suerte culo
Era el juego del Gaucho.
Yo aposto a la suerte
Para un futuro màs fuerte.

Du haut de la tour Sheraton,
Chaque fois que Madame la Baronne
Se répète que la vie est belle
Qu'elle jette un oeil vers les poubelles.
Elle verra ce petit garçon
obligé de manger du carton
A deux pas de l'hôtel Palace
Pour les touristes pleins aux as.

Refrain:
Culo suerte, suerte culo
Era el juego del Gaucho.
Yo aposto a la suerte
Para un futuro màs fuerte.

Je ne suis moi-même qu'un touriste
Dont l'avion vient de quitter la piste.
J'aurai à jamais devant les yeux
Ces paysages merveilleux
Mais je garde comme un goût amer
Quand je repense à toute la misère
Alors que pendant près d'un mois,
J'ai vécu là-bas comme un roi.

Refrain:
Culo suerte, suerte culo
Era el juego del Gaucho.
Yo aposto a la suerte
Para un futuro màs fuerte.

"Culo" et "suerte" sont des termes issus du jeu traditionnel argentin (et chilien) appelé "la Taba". Les Gauchos, cow-boys sudaméricains, jouaient avec un os de vache : l'os astragale d'un boeuf, donc un des os composant le sabot de la vache. Un côté de l'os est revêtu d'une plaque de métal lisse (Culo) et l'autre d'une plaque de métal poreuse (suerte). Les règles en sont assez simple : le joueur doit lancer la taba à plus de cinq mètres de distance. Si elle tombe du côté "culo", le joueur a perdu, s'il tombe sur la tranche ou du côté suerte, il peut continuer. Un mix entre  la pétanque et pile ou face, en somme.



dimanche 13 novembre 2016

Le message de Michael Collins

La vie en mil huit cent nonante
Au fin fond de la vieille Irlande,
Ç'aurait été paradisiaque
Sans les Anglais paranoïaques

Toute une vie sous l'oppression
Mène toujours à la rébellion
Personne n'était plus engagé
Dans la lutte pour la liberté

Y a eu des morts dans les deux camps,
Des coupables et des innocents,
Des centaines de dimanches sanglants
Mais personne n'est sorti gagnant

Il est mort par une balle perdue,
Tirée par un lâche inconnu
Mais, là où il est à présent,
Il n'y a ni frontières ni tyrans

Parfois, il se penche vers la Terre,
Il nous crie qu'il est nécessaire
De défendre la liberté
Mais qu'il ne faut pas oublier

Nous sommes enfants de l'Univers,
Les êtres humains sont tous frères,
Les catholiques, les protestants,
Les juifs et puis les musulmans

Que l'on fasse taire tous les canons
De nos Dieux, de nos religions
Qu'on l'entende jusqu'en Palestine
Le message de Michael Collins

Que l'on enterre tous nos canons
Tous nos Dieux et nos religions
Qu'il s'étende jusqu'en Palestine
Le message de Michael Collins.

Cette chanson est une des premières que j'aie écrite, même si cette version n'a plus grand chose à voir avec celle que j'ai écrite il y a quinze ans. Elle a évolué avant de devenir cette hymne à la paix que paradoxalement, je mets dans la bouche d'un soldat. Un terroriste même. Le créateur de l'IRA.
Pourquoi, me direz-vous, suis-je allé écrire une chanson à la mémoire de ce zigoto. Parce qu'il a grandement contribué à la grandeur de l'Irlande, ce pays dont je suis tombé amoureux la première fois que j'y ai mis les pieds il y a seize ans, lors d'un voyage scolaire. Parce que nous avons tous des héros qui ont du sang sur les mains. Les français font la fête le quatorze juillet en souvenir d'une révolution qui fut tout sauf pacifique. Ils chantent une "Marseillaise" dont les paroles sont sanglantes au possible. Toute paix dont nous jouissons aujourd'hui n'est que le fruit d'une guerre sanglante.

En tout cas, je voudrais remercier ici mon prof  d'anglais qui a su me transmettre l'amour de l'Irlande et sans qui je n'aurais sans doute jamais entendu parler de Michael Collins, d'Eamon de Valera ou de Bloody Sunday. Je pense à lui chaque fois que je bois une Guiness car je sais ce que je lui dois. Merci.

dimanche 6 novembre 2016

La Clepsydre



Excusez-moi de vous voler votre temps, je sais à quel point il est précieux. Permettez-moi de me présenter : Saturnin Timenon. Je sais, c’est un prénom ridicule. Un prénom de canard. Un prénom d’un autre temps. Je suis étudiant en histoire et je viens de réussir mon dernier examen. J’ai maintenant officiellement mon master d’histoire. Une maigre consolation. 

Tout commença il y a deux semaines. Je me levai, pris ma douche et me rendis à l’université. Comme chaque jour, je commandai un café au bar-tabac du coin en guise de petit déjeuner. C’est là que je l’ai remarqué. Étrange. Je prends cet itinéraire tous les jours depuis cinq ans, je n’avais jamais vu ce magasin sombre et ancien. Une enseigne en bois en trahissait le nom : « la Clepsydre ».  

En vitrine, une affiche attira mon attention : « Prenez votre temps ! ». C’était vite dit. J’étais en retard et de plus, cet examen que je devais passer le lendemain me rendait malade. Je n’avais toujours pas appris la moindre date et il me restait moins d’une journée pour mémoriser cinq ans d’études universitaires. Néanmoins, cette boutique m’intriguait. Je m’en approchai pour regarder à l’intérieur. 

— Tu peux entrer, n’aie pas peur ! 

Un petit personnage se tenait derrière moi. Il avait des yeux bleus perçants, un nez crochu et des cheveux blancs, ce qui contrastait avec la noirceur de son costume. Comme je ne répondais pas, il répéta son injonction. 

— Allez, entre ! Tu n’as rien à craindre.

 — Je suis désolé, balbutiai-je, mais je n’ai pas le temps. Je suis déjà en retard.  

— Du temps, j’en ai à revendre. 

— Tant mieux pour vous !J’étais sur le point de partir, mais il me barra la route. Il me fixa du regard et me répéta de son air sérieux : 

— Entre, tu vas comprendre. 

Je passai la porte et me retrouvai dans une pièce gigantesque. Des centaines de boules de verre contenant un brouillard translucide s’étendaient à perte de vue, rangées soigneusement sur des étagères.

 — Quel est cet endroit ? demandai-je. 

— Je te l'ai dit, je vends du temps. 

— Vous me faites marcher. Comment est-ce qu'on peut vendre du temps? 

— C'est pas difficile de gagner du temps, tu sais ? Il suffit de suivre les gens qui en perdent, et de le ramasser derrière eux. 

 Je n'appréciais pas particulièrement l'humour du marchand, mais le personnage m'intriguait. Il me fascinait même. 

 — Vous voulez dire que dans chaque boule, il y a du temps? 

— Exactement. Regarde les billes, ici. Elle contiennent toutes une minute. Celles-ci ont la taille d'une orange : une heure montre en main. Et celles-ci, une journée entière. 

— Et ... combien ça coûte? 

— Vingt euros l'heure. 

— Pouh, c'est pas donné. 

— Que veux-tu ? Le temps, c'est de l'argent. 

— Comment ça marche ?

 Le marchand s’empara d’une bulle de verre et me la tendit. 

 — Écoute, tu m'as l'air sympathique. Je t’offre une heure. Quand tu penses en avoir besoin, tu n'as qu'à la briser. 

— C'est tout ? 

— C'est tout.  

— Ça signifie que si je la brise maintenant, je peux encore être à l'heure à mon cours d'histoire médiévale ? 

— Essaie. Tu verras. 

Sans perdre une minute, je lançai la sphère sur le carrelage. Le verre explosa au contact du sol. L'instant d'après, j'étais nu et de l'eau chaude me coulait sur le visage. J'étais revenu à l'endroit où je me trouvais une heure plus tôt : sous la douche. À nouveau, je me préparai et partis pour l’université. Je passai devant l'échoppe du curieux marchand, cette fois sans m'y arrêter, mais sans ignorer le sourire que le maître des lieux me lançait.

 J'arrivai à l'heure, mais j'aurais pu m'abstenir d'y aller. Je n'étais pas concentré. Je ne songeais qu'à cet examen pour lequel je n'avais encore rien appris. Je ne pensais plus pouvoir le réussir, mais l'expérience que je venais de vivre me laissait une chance. Si je pouvais récupérer une journée, je pourrais la consacrer à mes bouquins. Ma décision fut vite prise. Je me rendis à la banque et soulageai mon compte de mes maigres économies. Cinq cents euros. Cela devait suffire pour une journée. Je me précipitai chez le mystérieux commerçant et lui achetai une sphère de la taille d'un ballon de football. Je fermai les paupières, lâchai l'orbe précieux que je tenais entre les mains et rouvrit les yeux vingt-quatre heures plus tôt. 

Bien décidé à profiter de chaque seconde de cette journée providentielle, je m'installai à mon bureau et me plongeai dans mes syllabus. Au bout d'une heure, je me permis une pause. Je contrôlai mes e-mails, regardai l'une ou l'autre vidéo et jouai un air de guitare. À midi, je me préparai un bon déjeuner que je pris sur le sofa, devant la télévision. Dans un moment de bonne volonté, je repris le chemin du bureau et travaillai durant une heure. En milieu d'après-midi, ma voisine sonna à la porte. Elle avait commandé un nouveau frigo sur Internet. Il venait d'être livré et elle avait besoin de moi pour l'aider à le monter au deuxième étage. Je n'ai jamais rien pu lui refuser. Mais le temps passe vite. Le soleil s’était déjà couché lorsque je pus enfin me replonger dans mes livres d'histoire. Je parvins à réviser un dernier chapitre avant de sombrer dans un sommeil de plomb. 

Quel gâchis. Sur les vingt-quatre heures payées à prix d'or, j'en avais utilisées à peine trois à bon escient. Je n'avais plus d'argent et le temps me faisait toujours défaut. En repassant devant la boutique mystérieuse, le marchand m’interpella.

 — Tu es prêt pour ton examen? 

— Malheureusement, non. Mais je n'ai plus les moyens d'acheter du temps supplémentaire. 

— Et si je te faisais crédit ? demanda-t-il d’un air sincère. 

Sans attendre de réponse, il disparut dans l'arrière-boutique et revint avec une sphère de la taille d'une mappemonde. 

Cet orbe contient une semaine. Prends-le et réussis ton examen. Tu me payeras après. Je te demanderai juste de poser ta signature ici. 

Il me tendit un document et un stylo. Je me méfiais — c'était trop beau pour être vrai — mais je me sentais obligé de lui faire confiance. Je saisis la plume, signai le document sans même prendre la peine de le lire et remontai le temps d’une semaine.  

Je savais que c'était ma dernière chance. Pour la première fois de ma vie, je m'imposai une discipline très stricte, avec des temps de travail rigoureux et des pauses chronométrées. Comme je vous l'ai dit au début de ce récit, cette méthode a porté ses fruits : j'ai réussi mon examen. Malheureusement, j'avais encore une dette à payer. Hier, après avoir pris connaissance des résultats, je rentrai chez moi. Le vendeur de temps m'y attendait. 

Je regrette de ne pas m'être interrogé davantage sur la provenance du temps qu'il vendait. « Il suffit de suivre les gens qui en perdent et de le ramasser derrière eux », avait-il expliqué. Ce n'était pas de l'humour. J’aurais dû lire le contrat avant de le signer. Qui accepte comme ça un crédit à deux cent mille pour cent d’intérêt ? Personne n'échappe au mystérieux commerçant. J'ai remboursé ma dette. Pour chaque journée de cette semaine empruntée, j'ai payé cinq années de ma vie. Hier, j'avais vingt ans. Aujourd'hui, j'en ai trente-cinq de plus. Comme disait Aznavour, j'ai perdu mon temps à faire des folies qui ne me laissent au fond rien de vraiment précis que quelques rides au front et la peur de l'ennui. Je m'appelle Saturnin Timenon, diplômé de la faculté d’histoire.